Victor Méric
Personnage fin, inlassable propagandiste, journaliste talentueux mais fantasque, Victor Méric fut anarchiste – mais affirmait la nécessité d’une dictature révolutionnaire transitoire –, antimilitariste – mais refusa de signer l’affiche rouge antimilitariste de 1905 –, dreyfusard – mais ne faisait pas mystère de sa judéophobie –, anti-électoraliste – mais appela, dans Les Hommes du jour, à voter pour la SFIO à l’occasion des élections municipales de 1912 –, un des dirigeants du Parti communiste – mais en fut exclu en 1923. Il a eut donc durant toute sa carrière militante une solide réputation de dilettante. Il était surtout doté d’un fort sens de l’autodérision.
Pour preuve, dans le numéro du 3 octobre 1908 des Hommes du jour, journal dont il était le principal rédacteur, il se laissa portraiturer par Miguel Almereyda (Eugène Vigo), qui l’étrilla sans méchanceté : « Qu’est-il ? Quelles sont ses idées ? Est-il anarchiste comme il l’a cru lui-même un moment ? Ne l’est-il pas ? Est-il socialiste ? Est-il ceci ? Est-il cela ? À parler franc, il est difficile de le classer. Méric n’est ni un doctrinaire ni un homme de parti. Il n’est pas non plus un homme d’action. […] Il s’est mis un grand nombre d’anarchistes à dos, parce qu’il n’a pu résister au plaisir de plaisanter leurs travers. Il n’est pas pris au sérieux par les socialistes, parce qu’il s’accommode mal du rituel et du charabia des groupes. Les uns le soupçonnent d’arrivisme. Les autres le prennent pour un farceur sans foi ni convictions. Les uns et les autre se trompent. Méric n’a pas la foi, mais il a des convictions. Il manque d’enthousiasme, voilà tout, et son esprit critique est trop développé — de sorte que des hommes et des théories, il voit, avant toute autre chose, les défauts et les faiblesses. »